Opinion
La retraite dès 62 ans, une priorité des salariés

Par Jean-Claude Rennwald, conseiller national (PS/JU), vice-président de l‘USS

Permettre à chaque travailleuse et à chaque travailleur de prendre sa retraite dès 62 ans (aujourd’hui : 65 ans pour les hommes et 64 ans pour les femmes), et cela sans réduction de rente jusqu’à un revenu de 120'000 francs par année. Tels sont les objectifs de l’initiative de l’Union syndicale suisse (USS), à propos de laquelle nous voterons le 30 novembre prochain.

Cette initiative est juste à plus d’un titre :

● Désormais, les personnes disposant de revenus modestes ou moyens pourront aussi choisir l’âge de leur retraite anticipée, alors qu’aujourd’hui, cette possibilité est surtout réservée aux salariés qui exercent des fonctions supérieures, aux revenus élevés.

● L’AVS flexible sans réduction de rente profite spécialement aux femmes, qui ont généralement des salaires plus bas que les hommes.

● Beaucoup d’entreprises ne veulent plus d’employés de plus de 60 ans, et même parfois de plus de 55 ans. A quoi bon les faire travailleur jusqu’à 65 ans ?

● Dans plusieurs branches économiques, des systèmes de retraite anticipée ont été introduites par le biais des conventions collectives de travail (CCT). C’est notamment le cas dans le bâtiment, où il est possible de prendre sa retraite à 60 ans, ainsi que dans l’horlogerie, où les travailleuses et les travailleurs peuvent bénéficier d’une retraite une année avant l’âge légal, grâce à une rente-pont financée exclusivement par le patronat. Dès lors, on ne voit pas pourquoi les salariés des autres secteurs ne pourraient pas aussi profiter d’une retraite anticipée. Et ceci d’autant plus qu’en Suisse, la moitié des travailleurs ne sont pas au bénéfice d’une convention collective de travail.

L’initiative de l’USS sur un âge de la retraite flexible est parfaitement supportable sur le plan financier. En effet, les finances de l’AVS sont saines. Ces huit dernières années, l’AVS a engrangé environ 12 milliards, ce qui suffirait à financer la flexibilisation de l’âge de la retraite à partir de 62 ans durant 15 ans, selon le modèle de l’initiative. De surcroît, les caisses de l’AVS disposent d’une réserve de 40 milliards. Dès lors, il suffit à l’AVS que la productivité s’améliore, que l’économie croisse et que les salaires augmentent en conséquence. S’il en va ainsi, l’AVS peut supporter sans problème une hausse de l’espérance de vie et du nombre des retraités. D’ailleurs, depuis l’entrée en vigueur de l’AVS, en 1948, le nombre des retraités a constamment augmenté, alors que celui des actifs n’a cessé de reculer. Il n’en est résulté aucune catastrophe pour l’AVS, dont l’avenir, comme celui de l’ensemble des assurances sociales, est avant tout conditionné par la croissance économique. Cette affirmation peut paraître bizarre dans le cadre de la crise financière actuelle, mais elle doit bien sûr être envisagée sur le long terme. Dès lors, plutôt que de faire peur aux rentiers et à ceux qui le seront bientôt, le Conseil fédéral ferait mieux de mener une politique économique offensive, fondée sur une politique budgétaire anticyclique, sur le développement de la recherche et de la formation continue, ou encore sur un programme d’encouragement des énergies non renouvelables. Quant à la Banque nationale suisse (BNS), elle se doit de mener une politique monétaire non restrictive, favorable à l’emploi. Le soutien à la croissance passe aussi par la compensation du renchérissement et des hausses réelles des salaires, car une diminution du pouvoir d’achat des salariés ne pourrait que favoriser une diminution de la consommation et aggraver les risques de récession et l’augmentation du chômage.

L’initiative proprement dite entraînerait des coûts modestes (d’autant plus que la retraite à 62 ans ne sera pas une obligation, mais un droit) de l’ordre de 780 millions de francs par année. Cela équivaut, en moyenne, à 0,12 % du salaire. Le coût moyen par assuré serait d’environ 6,50 francs par mois, ou d’un peu plus de 20 centimes par jour. A cela s’ajoute le fait que l’amélioration de la retraite anticipée permettrait de réaliser des économies dans d’autres assurances sociales et pour d’autres institutions : assurance-chômage, assurance-invalidité (AI), services sociaux communaux et régionaux, etc.

Mais au-delà de tous ces calculs, certes importants, il ne faut pas oublier que dans toutes les enquêtes menées sur le plan syndical, la retraite anticipée fait partie des principales priorités des travailleuses et des travailleurs, notamment en raison de l’augmentation des cadences et de l’accroissement du stress. Dans bien des cas, c’est même la priorité No 1. Alors, le 30 novembre prochain, glissons un grand « oui » dans l’urne, afin de satisfaire, une fois pour toutes, ce besoin fondamental de toutes celles et de tous ceux qui ont passé des dizaines d’années sur des chantiers, dans des usines, dans des bureaux ou des magasins.