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Manifestation du 1er mai 2003 au Sentier, Vallée de Joux

« Il ne faut jamais capituler »

Allocution de Jean-Claude Rennwald, membre du comité directeur du syndicat FTMH, vice-président de l’Union syndicale suisse (USS), conseiller national (PS/JU)

Chers collègues, Chers camarades, Chers amis,

Je suis très heureux d’être parmi vous. Je suis très heureux parce que ce coin de pays ressemble tellement au mien que je m’y sens chez moi. Je suis aussi très heureux parce que la Vallée, c’est l’un des bastions horlogers du syndicat FTMH. Or, ce syndicalisme horloger est vivant, et vous y êtes pour beaucoup. L’année dernière, nous avons enregistré plus de 1'000 nouveaux adhérents dans cette branche. Ce chiffre constitue un record, mais nous avons décidé de ne pas nous arrêter en si bon chemin. Pour 2003, nous voulons franchir la barre des 10'000 syndiqués FTMH dans l’horlogerie, et je suis sûr que nous y parviendrons.

Le slogan du 1er mai de cette année, vous le savez, s’intitule « Les femmes au cœur des syndicats ! L’union fait la force. » Et bien, chers collègues, dans l’horlogerie, nous n’avons pas à rougir de ce slogan. Dans le secteur privé, notre convention collective de travail (CCT) est la plus généreuse en terme de congé-maternité, puisque celui-ci se monte désormais à 16 semaines et qu’il est payé à 100 %. Notre nouvelle convention a également introduit la possibilité de prendre un congé d’adoption, et elle mentionne expressément la reconnaissance des acquis professionnels en entreprise. Cette innovation servira aussi bien les travailleuses que les travailleurs. Comme les femmes, malheureusement, représentent une proportion plus importante de la main-d’œuvre féminine, ce sont elles qui devraient profiter le plus de cette percée. Enfin, cet automne, nous négocierons pour la première fois depuis longtemps des salaires minimaux dans l’horlogerie. Cette nouveauté vise en premier lieu à prévenir et à combattre le dumping social et salarial que pourrait entraîner l’accord sur la libre circulation des personnes que la Suisse a conclu avec l’Union européenne. Mais ces salaires minimaux seront aussi un instrument pour favoriser l’égalité des droits entre hommes et femmes. Car pour nous, il n’est pas question qu’à travail égal, une femme gagne moins qu’un homme ! De manière plus générale, les syndicats se sont battus résolument contre le relèvement de l’âge de la retraite des femmes. Et ils continueront de le faire, en lançant, si besoin est, un référendum contre la 11e révision de l’AVS, si celle-ci devait être par trop défavorable aux femmes, aux travailleurs et aux retraités.

Ces exemples montrent que le mouvement syndical est l’organisation qui fournit le plus d’efforts en vue d’améliorer et de renforcer le statut social des femmes. En paraphrasant Aragon et Jean Ferrat, nous pouvons dès lors lancer un nouveau slogan : « Le syndicat est l’avenir de la femme » ! D’une autre manière, on pourrait aussi dire que les femmes sont l’avenir des syndicats. Je n’ai pas besoin de m’allonger plus longuement sur cette question, car je parle ici en terrain conquis. C’est en effet de la Vallée qu’est partie la grève des femmes du 14 juin 1991.

Les exemples que j’ai cités tout à l’heure montrent qu’il y a de la place, pour les femmes au sein des syndicats. Mais il y en a aussi pour les travailleuses et les travailleurs migrants. La Vallée est encore une fois un exemple, puisque ici, deux tiers des membres actifs du syndicat FTMH sont des travailleuses et des travailleurs frontaliers. Je suis fier de faire ce constat, chers collègues, car la construction de l’Europe et la mondialisation nécessiteront, de la part des syndicats, de renouer avec la grande tradition internationaliste du mouvement ouvrier, de mener toujours plus d’actions dépassant le cadre national. Une étude menée par deux chercheurs, Jean Steinauer et Malik Von Allmen, a d’ailleurs montré que l’immigration a joué un rôle décisif dans toute l’histoire du syndicalisme suisse et que sans cette immigration, ce syndicalisme suisse n’existerait peut-être plus ! Ces rappels sont utiles, surtout à une époque où la droite ultra-nationaliste pense que c’est en chassant les demandeurs d’asile, en embouchant les trompettes de la xénophobie que l’on résoudra tous les problèmes de notre société. Or, rien n’est plus faux, car dans toute l’histoire, ce sont les peuples et les pays qui se sont le plus ouverts aux autres qui ont été les plus prospères.

Pour certaines organisations syndicales, la question de l’immigration n’en est plus vraiment une. Le SIB, le Syndicat Industrie et Bâtiment, compte 70 % de migrants dans ses rangs, alors que cette proportion se monte à 40 % au sein du syndicat FTMH. Autant dire que le futur Syndicat interprofessionnel que le SIB et la FTMH construisent avec unia et la FCTA, sera composé d’une majorité (57 %) de travailleuses et de travailleurs migrants. Je m’en réjouis, car la plus grande force sociale du pays pourra entonner dès sa création, cette strophe de la grande chanteuse québécoise Pauline Julien : « Je rêve d’un monde où il n’y aurait plus d’étrangers. »

L’action syndicale a été l’un des principaux instruments de l’intégration des travailleuses et des travailleurs migrants, et cette intégration a progressé de manière importante ces dernières décennies. Toutefois, pour que cette intégration soit complète, nous devons encore partir à la conquête des droits politiques pour les travailleuses et les travailleurs migrants. Dans ce pays, chers collègues, un salarié sur quatre n’a pas le droit de vote, ce qui est un scandale et un cas unique en Europe.

Je viens d’un canton, le Jura, qui a joué, avec Neuchâtel, un rôle pionnier dans l’octroi des droits politiques des étrangers. Dans le Jura, les migrants disposent du droit de vote sur les plans communal et cantonal, et ils participent à l’élection des conseillers aux Etats. Depuis quelque temps, les étrangers sont en outre éligibles dans les législatifs communaux, et quelques-uns d’entre eux y siègent déjà, ce dont je suis très fier.

Le Canton de Vaud a fait récemment un pas dans cette direction, puisque les étrangers voteront sur le plan communal dès le 1er janvier 2004. C’est une très bonne chose, mais ce combat doit être intensifié dans l’ensemble des cantons, avant de passer à l’échelon fédéral. Et ceci d’autant plus que sur le plan européen, les ressortissants de l’Union bénéficient d’un certain nombre de droits politiques (sur le plan communal et pour les élections au Parlement européen) lorsqu’ils vivent dans un autre pays que le leur.

Discriminés sur le plan politique, les femmes et les migrants le sont aussi souvent dans le domaine de la formation, raison pour laquelle je vous demande de vous mobiliser, d’ici au 18 mai, en faveur de l’initiative pour des places d’apprentissage. Aujourd’hui, 17 % seulement des entreprises forment des apprentis, alors que dans les années quatre-vingts, elles étaient encore 30 % à investir dans la formation professionnelle. Il est temps de renverser la vapeur, car la formation reste la principale matière de ce pays !

Il est temps aussi de renverser la vapeur dans le domaine de l’assurance maladie. La Suisse est le seul pays d’Europe où un Daniel Vasella, patron du groupe Novartis, qui a un salaire annuel de 20 millions de francs, paie les mêmes primes d’assurance maladie que vous et moi. L’initiative-santé, chers collègues, permet de mettre fin à ce scandale, puisque l’assurance maladie serait à l’avenir financée par des primes proportionnelles au revenu et à la fortune. L’acceptation de l’initiative entraînerait un allégement des charges pour 80 % des personnes assurées, alors que seuls les gros revenus et les grandes fortunes payeraient plus qu’aujourd’hui. Pour ne prendre qu’un seul exemple, une famille vaudoise avec deux enfants et disposant d’un revenu fiscal annuel de 50'000 francs économiserait plus de 9'000 francs par année si l’initiative était acceptée.

Et la Suisse a vraiment besoin d’être plus sociale et plus solidaire. Aujourd’hui, quelque 140’000 personnes sont inscrites au chômage dans notre pays et le nombre des demandeurs d’emploi (200'000) est bien plus important encore. Le taux de chômage frôle la barre des 4 %

Malheureusement, ces chiffres ne forment que la pointe de l’iceberg. Analysée sur le long terme, la situation économique de notre pays est encore bien plus catastrophique, comme en témoignent ces deux constats :

1)     Entre 1986 et 2004, la Suisse aura connu une croissance annuelle moyenne de son PIB de 1.4 %. Or, aucun pays de la zone OCDE, qui regroupe les pays les plus riches du monde, n’a fait aussi mal que nous, puisque durant la même période, la zone OCDE a connu une croissance annuelle moyenne de 2.7 % et l’Union européenne une croissance de 2.4 %.

2)     Ces différences ont évidemment eu des effets divergents sur le pouvoir d’achat. Entre 1990 et 1999, les salaires réels ont en effet progressé, en moyenne annuelle, de 1.4 % au sein de l’Union européenne, mais de 0.12 % seulement en Suisse, c’est-à-dire dix fois moins.

Aggravation du chômage, stagnation voire baisse du pouvoir d’achat, démantèlement de l’appareil de production. Tel est le portrait économique et social de la Suisse d’aujourd’hui. Cette situation est en bonne partie le résultat de choix politiques, et en particulier de ceux-ci :

1° Durant une période beaucoup trop longue, la Banque nationale suisse (BNS) a pratiqué une politique qui a renforcé l’attrait du franc suisse. Cette politique a favorisé tous ceux qui souhaitent profiter d’un franc fort et du secret bancaire pour placer des capitaux en Suisse, mais elle s’est fait au détriment de la place industrielle. Il est vrai que depuis environ une année, la BNS combat de façon plus résolue toute appréciation du franc par rapport à l’euro. Mais cette politique doit encore être poursuivie et intensifiée, car les exportations jouent un rôle décisif dans la reprise de la conjoncture.

2° Les collectivités publiques mènent une politique budgétaire beaucoup trop restrictive, politique qui trouve sa traduction dans le frein à l’endettement et dans de vastes programmes d’économies qui menacent des tâches essentielles de l’Etat, comme la sécurité sociale et les transports publics. Il est urgent de mettre fin à cette obsession de l’équilibre budgétaire à tout prix. Car si l’Etat continue de sabrer dans les dépenses, la diminution des dépenses publiques viendra s’ajouter aux autres facteurs de déprime, et la Suisse se singularisera à nouveau par une récession plus profonde et plus longue que celle de ses voisins. Théoriquement, ces constats ne veulent peut-être pas dire grand-chose, mais on mesure mieux l’ampleur des dégâts lorsque l’on sait que la mise en œuvre du dernier programme d’économies de Kaspar Villiger entraînerait la perte de 40'000 emplois dans notre pays. C’est tellement incroyable que d’aucuns en avalent leur cigare !

Malgré une situation sociale et économique dramatique, le Conseil fédéral a récemment déclaré, je cite, « que la politique conjoncturelle actuelle est bien adaptée à l’évolution de la situation économique ».

Cette attitude est irresponsable, et ne fait que relayer celle des milieux économiques et de la droite politique, qui n’ont que deux expressions à la bouche : baisser les impôts et augmenter la flexibilité du marché du travail. Mais ils se mettent ainsi le doigt dans l’œil. D’une part parce que la fiscalité suisse est déjà l’une des plus basses du monde et que la réforme en discussion devant le Parlement ne profitera qu’aux catégories les plus aisées de la population, ce qui n’aura guère d’incidence sur la consommation. D’autre part parce que les recettes classiques d’inspiration libérale – abaissement du coût du travail, flexibilité accrue, pressions plus fortes sur les chômeurs et les travailleurs pour accepter des emplois précaires et mal rémunérés – n’ont pas permis de faire sortir l’Europe du chômage de masse, alors qu’elles sont utilisées depuis une vingtaine d’années !

Au milieu des années soixante, le plein emploi était considéré comme la situation normale d’une économie et le chômage comme une maladie. Mais en raison du travail de sape mené par les idéologues bourgeois, l’existence d’un chômage important est devenu la norme et le plein emploi un concept périmé. Pour d’aucuns, les inégalités face au travail seraient une donnée fondamentale de la phase actuelle de mondialisation des économies, de sorte que nous devrions choisir entre une société de plein emploi et de travailleurs pauvres (ce qui correspond à la société américaine) et une société moins inégalitaire en matière de salaires mais où régnerait l’exclusion du marché du travail (ce qui correspond en gros à la société européenne).

Et bien, chers collègues, pour le mouvement syndical, cette alternative est inacceptable, pour trois raisons au moins :

1° La mondialisation ne signifie ni la fin du politique, ni l’impuissance des Etats et la récession n’est pas une fatalité. A l’avenir, les politiques nationales continueront d’avoir une influence déterminante sur le niveau de l’emploi et le régime du travail, même si une partie des politiques de régulation doit désormais être menée au niveau européen, voire mondial.

2° A terme, une politique de plein emploi fondée sur un important volet de travailleurs pauvres ne peut-être que contre-productive, car ceux-ci n’ont pas de revenus suffisants pour « doper » la consommation et la machine économique.

3° L’autre modèle, dans lequel coexistent une majorité de salariés disposant d’un revenu plus ou moins décent et une forte minorité de chômeurs et d’exclus, n’est guère plus productif, car il génère des coûts sociaux colossaux qui ne peuvent qu’affaiblir la santé économique des pays qui pratiquent de la sorte.

Tout cela montre bien que la bataille pour le plein emploi et la lutte contre l’exclusion forment un seul et même combat. En période de crise, ce combat ne peut être gagné que si l’Etat s’en mêle aussi, par le biais d’un plan de relance et d’une politique monétaire plus favorable à l’emploi et aux exportations, par des mesures d’impulsions, par l’anticipation de certains investissements et par des mesures préventives destinées à combattre le chômage, notamment en matière de formation continue.

Il y a trente ans, chers collègues, une lutte historique et exemplaire s’est déroulée de l’autre côté de la frontière, celle des travailleurs de Lip. Leader syndical et figure marquante de cette lutte à Besançon, Charles Piaget a fait avec très peu de mots – mais des mots qui comptent – le bilan de cette grande bataille syndicale. Je cite : « Ce que je retiens de notre lutte, c’est qu’il ne faut jamais capituler. Il y a presque toujours des réponses à toutes les situations. » Fin de citation.

Et bien oui, chers collègues, ne capitulons jamais et cherchons ensemble des réponses à toutes les situations, même les plus difficiles. C’est dans cet esprit que je vous souhaite une très bonne Fête du 1er mai !

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