actutxt.jpg (3616 octets)
ligne.gif (1583 octets)

Fête du Travail, 1er mai 2000, Neuchâtel

Allocution de Jean-Claude Rennwald, vice-président de l’Union syndicale suisse (USS), membre du comité directeur du syndicat FTMH, conseiller national (PS/JU)

Chers collègues, Chers camarades, Chers amis,

Si l’on en croit le patronat et ses relais politiques, dont Pascal Couchepin est l’un des plus «éminents» représentants, ce pays se porte comme un charme, et tout va pour le mieux en Suisse: la reprise est là, le chômage a diminué de façon considérable, la plupart des entreprises tournent à plein régime.

Par rapport aux difficultés sociales et économiques des années passées, nous n’avons évidemment pas le droit de dire que rien n’a changé, car une telle affirmation relèverait de la malhonnêteté intellectuelle la plus totale. La Suisse, c’est vrai, a retrouvé une croissance économique relativement soutenue, le nombre des chômeuses et des chômeurs a sensiblement baissé, et il est aujourd’hui  plus facile de retrouver un emploi que voici trois ou quatre ans.

Ce tableau est correct, mais il est largement incomplet. Une analyse approfondie du paysage socio-économique de notre pays nous montre en effet:

· Que de nombreux chômeurs, pour retrouver un emploi, ont dû accepter de gagner moins qu’auparavant.

· Que le pouvoir d’achat des travailleuses et des travailleurs a longtemps stagné, voire régressé, et que dans de nombreux secteurs économiques, il stagne encore.

· Que dans ce pays, plusieurs centaines de milliers de personnes gagnent moins de 3’000 francs net par mois, ce qui est un scandale national, d’autant plus que dans le même temps, un personnage aussi peu recommandable que Christoph Blocher déclare une fortune supérieure à 1 milliard de francs !

· Que la flexibilité et le travail précaire ne cessent de gagner du terrain, comme en témoignent l’utilisation toujours plus intense des heures supplémentaires et du travail par équipes, le recours toujours plus massif aux contrats à durée déterminée et au travail temporaire, et bien sûr le développement faramineux du travail sur appel, cet autre scandale national.

La situation n’est guère plus brillante dans les services publics - ou de ce qu’il en reste :

· A la Poste comme aux CFF, la rationalisation a été érigée en raison d’Etat, en dogme de la pensée unique.

· Chez Swisscom, des milliers d’emplois sont supprimés à coup de plans sociaux très onéreux et qui font énormément de dégâts sur le plan humain. Dans cette entreprise, comme dans d’autres d’ailleurs, vous n’êtes plus qu’un bon à rien dès le moment ou vous avez atteint l’âge de 55 ans; on vous oblige alors à prendre une préretraite. Ces stratégies sont d’autant moins acceptables que, très souvent, elles sont formulées par ceux-là même qui proposent de relever l’âge ordinaire de la retraite à 67 ou à 68 ans !

· Cette politique de démantèlement a bien sûr des conséquences négatives sur l’emploi et sur les conditions de travail, mais aussi pour les usagers et pour les régions périphériques. De ce point de vue, les Neuchâtelois et les Jurassiens ont déjà donné plus que leur part. Merci pour eux !

· Aux yeux de la majorité bourgeoise qui dirige ce pays, tout cela n’est pas encore suffisant, puisque le Parlement a récemment voté une loi sur le personnel fédéral qui vise notamment à supprimer le statut de fonctionnaire, à introduire le salaire au mérite et à faire disparaître la transparence des salaires, ce qui permettra de graisser la patte de certains cadres supérieurs sans que ceux-ci n’aient de comptes à rendre à personne ou presque.

J’ai lu récemment dans une gazette que tous ceux qui n’acceptent pas cette évolution ne sont pas modernes, mais archaïques et ringards. Alors, je vous le dis clairement, chers collègues et chers camarades: Si défendre la fonction publique et ses salariés, mais aussi les travailleuses et les travailleurs du secteur privé, c’est être ringard, et bien, je suis ringard et fier d’être un ringard ! N’en déplaise à tous les petits Berlusconi qui sévissent dans les médias de ce pays !

Pour faire taire tous ceux qui voudraient soumettre l’ensemble de la société aux lois du marché et pour montrer que le service public joue un rôle irremplaçable, il convient de signer massivement le référendum lancé contre la loi sur le personnel fédéral. Pour le faire aboutir bien sûr, mais surtout pour gagner la votation fédérale qui aura lieu à ce sujet le 24 novembre prochain. Car si nous menons une campagne intelligente, fondée non seulement sur la défense des fonctionnaires, mais aussi sur la défense du service public, nous pouvons l’emporter !

D’autres combats, bien sûr, doivent être poursuivis ou engagés. Je pense en particulier :

· à la lutte que nous menons déjà pour qu’il n’y ait plus de salaires inférieurs à 3'000 francs net par mois, car comme le dit notre slogan, «on ne vit pas que d’amour et d’eau fraîche» ;

· à l’instauration d’une retraite à la carte dès 62 ans pour toutes et tous, ce qui signifie que nous n’accepterons pas une 11e révision de l’AVS synonyme de relèvement de l’âge de la retraite et d’abaissement des prestations pour les petits et moyens revenus;

· à la création d’une assurance maladie sociale, financée en fonction des revenus, et non plus par des primes individuelles;

· à une répartition plus équitable des richesses, qui suppose notamment une imposition des gains en capital, telle que la demande l’initiative populaire déposée par l’Union syndicale suisse;

· à la poursuite de la lutte pour la réduction du temps de travail, par la voie conventionnelle comme par la voie politique puisque, dans ce domaine aussi, l’initiative de l’USS en faveur de la semaine de 36 heures est sur la table du Conseil fédéral;

· à la création de nouvelles conventions collectives de travail et au développement des conventions existantes. A ce propos, je vous signale que l’année prochaine, la FTMH négociera le renouvellement d’une CCT qui revêt une importance particulière pour le canton de Neuchâtel, à savoir la convention collective des industries horlogère et microtechniques. Nous n’avons pas encore arrêté notre cahier de revendications dans le détail, mais nous pouvons d’ores et déjà affirmer que l’instauration de salaires minimaux, le temps de travail et la formation figurent au centre de notre réflexion.

Mais, me direz-vous, comment relever tous ces défis, comment faire face à des tâches toujours plus nombreuses, alors que les organisations syndicales ne cessent de perdre des membres ? La baisse régulière des effectifs de l’Union syndicale suisse et de la plupart de ses fédérations est effectivement préoccupante. J’ai toutefois la conviction que cette évolution n’est pas irréversible, et cela pour trois raisons au moins:

1.    Dans le monde occidental, la plupart des syndicats sont en perte de vitesse. Heureusement, il existe des exceptions. En France, par exemple, la CFDT, après être tombée à 530'000 membres en 1985, est remontée à plus de 800'000 l’année dernière, et le million de membres est aujourd’hui considéré comme une perspective proche et réaliste par ses dirigeants et par ses militants.

2.    Sans négliger les branches de recrutement «classiques», nous avons un potentiel énorme dans les «nouveaux» secteurs économiques, en particulier le tertiaire privé. Le développement du syndicat unia est là pour le démontrer.

3.    Des études indiquent que si les gens sont réticents à l’idée de se syndiquer, ils font néanmoins confiance aux syndicats. Cette contradiction tient sans doute au fait que dans ce pays, beaucoup d’hommes et de femmes perçoivent la justesse des «grandes» causes politiques défendues par le mouvement syndical, que ce soit en matière d’AVS, d’assurance maladie ou de réduction du temps de travail. Pour diverses raisons, ces «grandes» causes politiques ne sont malheureusement guère porteuses en termes d’adhésions à un syndicat. Pour renverser la vapeur, il n’y a d’ailleurs pas 36'000 recettes, et nous sommes persuadés que la plus efficace, c’est que le syndicalisme investisse davantage le terrain de l’entreprise. En effet, c’est sur le lieu de travail que les salariés sont confrontés à la plupart des problèmes qu’ils rencontrent, et il nous arrive parfois de l’oublier.

Je ne voudrais pas terminer sans vous rappeler l’importance de la votation fédérale du 21 mai prochain relative aux accords bilatéraux conclus entre la Suisse et l’Union européenne. Ces accords sont essentiellement économiques, et ils seront source de profits supplémentaires pour les entreprises. Il importe cependant de les appuyer, et cela pour quatre raisons :

1.    Parce que ce sont les travailleuses et les travailleurs qui ont payé le prix de l’isolement de la Suisse sur la scène européenne. La preuve, c’est qu’entre 1990 et 1999, les salaires réels n’ont progressé que de 1,5 % en Suisse, mais de 14 % au sein de l’Union européenne !

2.    Parce que les accords bilatéraux généreront un surplus de croissance. Or, les syndicalistes sont bien placés pour savoir qu’il n’y a pas de progrès social et pas de création d’emplois sans croissance économique.

3.    Parce que le Parlement, grâce à la pression exercée par les syndicats et par la gauche, a accepté d’assortir les accords bilatéraux d’un certain nombre de mesures d’accompagnement – extension facilitée des conventions collectives; possibilité, en cas d’abus, d’introduire des salaires minima via les contrats-types de travail; loi sur les travailleurs détachés – qui permettront de prévenir et de combattre le dumping salarial et la sous-enchère sociale.

4.    Parce que les accords bilatéraux sont une étape sur le chemin de l’adhésion à l’Union européenne. Or, seule une intégration pleine et entière de la Suisse à l’Union nous permettra de participer à la construction d’une Europe politique et sociale. Mais elle nous permettra aussi de collaborer plus étroitement avec les autres syndicats d’Europe. En effet, seule une coopération syndicale européenne digne de ce nom est susceptible de créer les conditions-cadre d’une Europe fondée sur une citoyenneté sociale, d’une Europe capable de résister aux effets les plus néfastes de la mondialisation, d’une Europe unie par la semaine de 35 heures ou encore d’une Europe dans laquelle les conventions collectives se négocieront à l’échelle continentale. Utopie que tout cela ? Peut-être, mais la mise en œuvre de cette utopie concrète est aussi le prix à payer pour que l’Europe de demain ne soit pas celle de la xénophobie, du racisme et du national-populisme, mais une Europe sociale, politique et citoyenne.

Cette Europe politique et citoyenne, chers collègues et chers camarades, Neuchâtelois et Jurassiens ont déjà commencé à la mettre en place, puisque nos deux cantons ont été les premiers à accorder un certain nombre de droits politiques aux étrangers, et que nous nous apprêtons, sous une forme ou sous une autre, à développer encore ces droits. Or, c’est bien cette Europe-là que nous voulons : une Europe dans laquelle le statut de citoyen ne dépendra plus de la couleur du passeport, mais de la participation des individus aux multiples activités de la société dans laquelle ils vivent. Et mener ce combat, c’est renouer avec la plus belle tradition du mouvement ouvrier, c’est-à-dire celle de l’internationalisme.

ligne.gif (1583 octets)
Jean-Claude Rennwald - conseiller national
Rue de la Quère 17 - CH - 2830 Courrendlin (JU)
Privé : Tél. + Fax. / ++41 (0) 32 435 50 30
Professionnel : Tél./ ++41 (0) 31 350 23 62 - Fax / ++41 (0) 31 350 22 22
E-mail : rennwald@bluewin.ch - Internet : http://www.rennwald.ch
home_dessin_mc.gif (24457 octets) Npowered_simple.gif (1406 octets)