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22 juin 2000, Montsevelier :

Allocution de Jean-Claude Rennwald, conseiller national

Un Jura uni dans une Europe des peuples

Mesdames, Messieurs, Chers amis,

Je vais vous entretenir du Jura, mais je vais aussi vous parler de l’Europe. Apparemment, il n’y a rien de commun entre ces deux sujets politiques, Et pourtant, en y réfléchissant bien, on peut tirer certains parallélismes intéressants entre le processus d’intégration européenne de la Suisse et la reconstruction de l’unité jurassienne.

Le 21 mai dernier, vous vous en souvenez, plus de deux tiers des votants ont accepté les accords bilatéraux conclus entre la Suisse et l’Union européenne, alors que la proportion des « oui » était encore plus élevée en Suisse romande. Et à Montsevelier aussi d’ailleurs, puisque vous avez approuvé ces accords avec l’Union européenne avec 83,6 % de « oui », ce qui constitue un résultat supérieur à la moyenne jurassienne !

Plusieurs éléments expliquent ce résultat positif. Mais l’une des principales raisons du succès réside incontestablement dans le fait que le Parlement fédéral avait mis sur pied, à côté des accords bilatéraux eux-mêmes, des mesures dites d’accompagnement dans le domaine social et dans celui des transports. Grâce à ces mesures, des garanties ont pu être données aux citoyens. Garantie que la libre circulation des personnes ne deviendra pas synonyme de dumping social et de sous-enchère salariale. Garantie que l’ouverture de la Suisse aux camions de 40 tonnes n’entraînera pas l’asphyxie de notre réseau routier et que cette opération se réalise avant tout par une amélioration de nos infrastructures ferroviaires.

Partant du principe qu’on ne change pas une équipe qui gagne, je suis d’avis que le Parlement fédéral devra utiliser la même méthode lorsqu’il attaquera concrètement l’étape suivante, c’est-à-dire la question de l’adhésion de la Suisse à l’Union européenne.

Avec de telles considérations, nous sommes bien loin du Jura et de la Question jurassienne. Sur le fond, c’est vrai, mais du point de vue de la méthode politique, je pense que le dossier jurassien pourrait progresser de manière sensible si l’on utilisait les ingrédients qui ont fait le succès des accords bilatéraux.

Depuis quelque temps, l’Assemblée interjurassienne étudie trois pistes en vue de résoudre le problème jurassien. Celle qui nous intéresse le plus et que l’Assemblée interjurassienne ne doit pas abandonner, faute de quoi elle se discréditerait totalement, est évidemment celle qui consiste à créer un nouveau canton, formé des six districts francophones du Jura.

Mais un tel projet, chers amis, ne pourra jamais se réaliser si des garanties concrètes, tangibles, ne sont pas données à nos compatriotes du Jura méridional. Voici 13 ans, à l’occasion d’un discours prononcé le 22 juin 1987 à Saint-Ursanne, Roger Schaffter avait déjà bien perçu le problème, Je le cite : Il est absolument nécessaire que, le plus tôt possible, on propose à nos frères du Sud un diagramme exact de la situation qui sera la leur lors de leur adhésion au Canton du Jura. Le partage du pouvoir, la distribution administrative, la représentation parlementaire, les révisions constitutionnelles nécessaires, la collaboration interjurane, tout ce qui dépendra de la volonté commune doit être préalablement mis en lumière, discuté avec les partis méridionaux, et soumis à d’honnêtes accords. »

Dans un essai publié en 1995 et intitulé « Nord-Sud, le partage », celui qui vous parle avait tenté de concrétiser ce projet. Conformément aux souhaits exprimés par Roger Schaffter, j’avais alors proposé un certain nombre de réformes permettant tout à la fois de recréer l’unité jurassienne et d’offrir aux deux parties du Jura un partage quasi intégral des pouvoirs et des compétences. Parmi les pistes envisagées, je rappellerai l’idée d’une capitale à deux têtes (Delémont et Moutier), l’octroi d’un nombre égal de députés au Jura Nord et au Jura Sud, ou encore la garantie de deux sièges gouvernementaux à chacune des deux parties du Jura.

Je le dis très clairement ici. Seules de telles garanties, que l’on peut assimiler à des mesures d’accompagnement et qui méritent bien sûr d’être étoffées, sont susceptibles d’apporter une réponse concrète aux légitimes interrogations des citoyennes et des citoyens du Jura méridional. Mais le succès de l’opération n’est pas seulement lié à la fixation de nouvelles règles constitutionnelles ou légales. Il dépendra aussi de notre capacité d’abnégation, de notre détermination à mettre fin à nos querelles de clochers et de districts, de notre souci de nous ouvrir, bref, de notre volonté de faire envie aux autres. Or, en l’espèce, nous avons encore quelques progrès à accomplir. Et le plus tôt sera le mieux, à défaut de quoi nous ne serons plus crédibles.

Pour en revenir à l’Europe, je note avec plaisir que sur cette question fondamentale, il n’y a aucune divergence entre les deux parties du Jura. En décembre 1992, les Jurassiens, du Nord comme du Sud, avaient dit « oui » à l’Espace économique européen (EEE), et voici quelques semaines, les mêmes Jurassiens ont accepté les accords bilatéraux.

Ces deux exemples montrent qu’en ce qui concerne le dossier européen, les Jurassiens, du Nord comme du Sud, n’ont de leçon à recevoir de personne, et surtout pas de ceux qui prétendent qu’il faut désormais « relativiser » les frontières. Entendez que le problème jurassien serait dépassé du fait que l’Europe se construit. Un tel raisonnement, je l’affirme haut et fort, est politiquement et intellectuellement insupportable. Car tous ceux qui réfléchissent un peu ont compris depuis belle lurette que les hommes et les femmes ont tout à la fois besoin de s’ouvrir à l’Europe et au monde et d’un enracinement local et régional. L’un ne va pas sans l’autre, à défaut de quoi l’équilibre humain est rompu.

Les pays membres de l’Union européenne n’ont d’ailleurs pas perdu leur spécificité nationale, et l’Union n’a pas non plus nivelé les différences culturelles, ni provoqué de migrations importantes qui auraient bouleversé ces identités. Ministre chargé des Affaires européennes au sein du gouvernement français, Pierre Moscovici, abonde dans ce sens, je cite : 

« J’ai la conviction que le peuple suisse – et le même raisonnement vaut pour le peuple jurassien – saura trouver dans cette nouvelle Europe le cadre de la réaffirmation de son identité, car les nations n’ont aucune vocation à disparaître dans un ensemble uniforme. »

On peut en déduire qu’il n’y a aucune contradiction entre le fait d’afficher tout à la fois son patriotisme jurassien et son engagement en faveur de l’intégration européenne. On peut même parier que d’ici peu, l’Europe offrira un cadre plus approprié pour résoudre les problèmes des minorités et des communautés politiquement et culturellement dominées, que ces communautés s’appellent Val d’Aoste, Wallonie, Bretagne, Corse, Pays basque ou  … Jura. Car dans tous ces cas d’espèce, l’Europe serait assurément un meilleur arbitre que les différents Etats nationaux concernés.

En d’autres termes, le combat jurassien et le  combat européen peuvent très bien être menés de front. C’est ce que nous ne manquerons pas de faire des prochains mois et ces prochaines années.

Vive le Jura uni, vive l’Europe des peuples !

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Jean-Claude Rennwald - conseiller national
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Privé : Tél. + Fax. / ++41 (0) 32 435 50 30
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E-mail : rennwald@bluewin.ch - Internet : http://www.rennwald.ch
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