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Travailler moins, mais pour faire quoi ?
La question a toujours été politique

Par Jean-Claude Rennwald, conseiller national (PS/JU), vice-président de l’USS

La vie ne s’imagine plus sans vacances, mais il ne faudrait pas oublier que les congés payés ont été, il y a 70 ans, lors du Front populaire, l’une des conquêtes majeures de la classe ouvrière. L’une de ses plus belles luttes a été de faire admettre que le travail implique des périodes compensatoires à la charge du patronat.

Avec les congés payés va s’ouvrir un vaste chantier d’organisation du hors travail. Repos, divertissement, militantisme, formation : entreprises, syndicats et collectivités publiques se soucient des loisirs des salariés. Aujourd’hui, l’offre est abondante, mais son accès pose problème. Avec l’augmentation du hors travail dans un contexte néolibéral qui favorise la consommation individualiste, l’Etat doit poser des conditions pour un accès égalitaire aux loisirs. A l’heure où le travail devient toujours plus exigeant, l’organisation du travail doit gagner en quantité (réduction et meilleur aménagement du temps de travail) et en qualité (démocratisation et durabilité des loisirs).

L’amélioration des conditions de travail est la priorité de la gauche. Mais le hors travail est un important facteur d’intégration sociale[1]. Or, les disparités sociales en matière de « hors travail » sont patentes, selon les disponibilités financières et la formation, l’aménagement des temps libérés, le lieu de résidence, l’âge, le sexe. En France, les 35 heures illustrent ces inégalités. Les personnels non-qualifiés subissent souvent des réductions de l’horaire journalier et disposent de moins de moyens pour s’évader, alors que les qualifiés profitent de jours de congé supplémentaires. Les femmes utilisent le temps libéré pour les tâches domestiques, pendant que les hommes font du sport ou se forment.

Une trop faible intervention du politique dans la gestion du hors travail laisse le champ libre aux milieux marchands, qui ne se privent pas de messages forts pour orienter les comportements vers la seule consommation. Ce choix de société ne peut être celui de la gauche, car il limite les disponibilités pour la création, la formation et il détourne les salariés de tout projet collectif. Il en va également de la diversité culturelle, puisque la marchandisation des loisirs correspond à l’uniformisation des pratiques (chaînes internationales de restaurants, de parcs d’attraction, villages de vacances fermés et gardés).

Il ne s’agit pas de collectiviser le hors travail en imposant de grandes colonies de vacances, mais d’assurer à chacun la liberté de pouvoir organiser son hors travail. L’objectif premier est la mixité sociale des activités. Aucun sport ne doit être réservé à une élite, ni aucun lieu culturel rester fermé à certaines catégories sociales. La démocratisation du hors travail passe par des mesures matérielles (baisses de prix, par des subventions) et plus symboliques (information, initiation, mise à disposition d’infrastructures). On pourrait imaginer la généralisation des dimanches gratuits dans les musées. Le succès de certaines bibliothèques, comme le Bibliobus, montre que le prix du livre a une influence décisive sur la lecture. Etant donnée l’importance des habitudes prises dès le jeune âge, l’Etat doit soutenir les activités qui familiarisent les enfants à leurs futurs loisirs : camps de sport, sorties culturelles, passeports-vacances sont une nécessité sociale. La France a montré l’exemple en inscrivant dans la loi de 1998 sur l’exclusion que « l’égal accès de tous, tout au long de la vie, à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs constitue un objectif national. Il permet de garantir l’exercice effectif de la citoyenneté ».

Les enjeux liés au hors travail sont tels que le politique ne saurait s’en désintéresser. Il y a des défis territoriaux (répartition des structures, promotion des régions rurales) et écologiques. Les autorités doivent penser durabilité et faire que démocratisation ne rime ni avec concentration abusive ni avec généralisation de pratiques polluantes (excessive mobilité par avion, bétonnage des bords de mer, etc.). Des plus, les activités hors travail ont un fort potentiel économique : celles et ceux qui, face à la diminution de la proportion de la population active, veulent couper dans les prestations de l’AVS et donc dans le pouvoir d’achat des citoyen-ne-s, feraient mieux de s’y intéresser.

Le hors travail aussi est politique. En 1936, les dirigeants du Front populaire l’avaient déjà compris. Cette époque est celle d’un cinéma qui devient véritablement populaire. Sous-secrétaire d’Etat aux Sports et à l’organisation des loisirs, Léo Lagrange ira jusqu’à négocier avec les patrons des chemins de fer la création d’un billet populaire de congés annuels donnant droit à 40 % de réduction. 600'000 personnes vont l’utiliser durant l’été 1936 ! A quand une initiative de ce type du Conseil fédéral et des CFF pour permettre à la population vivant en Suisse de voyager davantage ?


[1]Véronique Hespel, in Jean Viard (dir.), La France des temps libres et des vacances, Editions de l’Aube, 2002, p. 77.

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Jean-Claude Rennwald - conseiller national
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