actutxt.jpg (3616 octets)
ligne.gif (1583 octets)

Tribune
Article paru dans Le Temps du 14 octobre 2005

Pour forcer la porte de l’adhésion, un brin de machiavélisme s’impose

Par Jean-Claude Rennwald, conseiller national (PS/JU), vice-président de l’USS

On a beaucoup évoqué, ces dernières semaines, le maintien ou le retrait de la demande d’adhésion de la Suisse à l’Union européenne (UE). Ce « débat » cache malheureusement la vraie question qui se pose aujourd’hui aux proeuropéens, en particulier au PS, parti le plus favorable à l’adhésion, à savoir : Comment créer un rapport de forces qui permettra à la Suisse de faire le grand saut dans l’Union ? Une réponse sérieuse à la question passe par ce rappel. Depuis 1986, date de la première votation sur l’entrée de la Suisse à l’ONU, le peuple a été consulté sur onze sujets de politique étrangère. Dans sept cas, les partisans de l’ouverture à l’Europe et au monde l’ont emporté. Et à cinq reprises (adhésion au FMI et à la Banque mondiale en 1992, bilatérales I en 2000, entrée à l’ONU en 2002, Schengen/Dublin et extension de la libre circulation des personnes aux nouveaux pays membres de l’UE en 2005), le « oui » l’a emporté parce que la gauche et la droite classique (PDC et radicaux) étaient favorables à ces projets, mais aussi parce que ceux-ci ont bénéficié de l’engagement des milieux économiques. A l’inverse, l’économie n’avait pas milité pour l’adhésion à l’ONU en 1986 (24,2 % de « oui ») et elle s’était opposée à l’initiative « Oui à l’Europe » (23,2 % de « oui ») en 2001. Seul le rejet de l’Espace économique européen (EEE), en 1992, ne s’inscrit pas dans cette dichotomie. A l’époque, le monde industriel et financier s’était aussi engagé pour ce projet, mais n’oublions pas que l’Union suisse des arts et métiers (USAM), tout en prônant le « oui », était pratiquement coupée en deux.

Tirant la leçon du scrutin positif de 2002 sur l’entrée de la Suisse à l’ONU, Eric Hoesli écrivait le lendemain à la « une » du « Temps » : « L’histoire a montré à plusieurs reprises qu’il n’était pas de politique d’ouverture dans ce pays sans le soutien des villes et de la Suisse occidentale. Elles étaient au rendez-vous ce 3 mars. Mais on retiendra également que l’appui massif de l’économie et l’engagement unanime du gouvernement tendent également à devenir des conditions du succès. Qu’un seul de ces facteurs vienne à manquer, et la cause est entendue. Il y a là des leçons à méditer avant de se lancer dans de nouveaux combats. » Il faut ajouter que beaucoup de ces victoires n’auraient pas été possible sans l’engagement de la gauche et des syndicats, ce qui est apparu de manière particulièrement évidente lors de la votation sur l’extension de la libre circulation des personnes.

Pour être gagnée, la bataille de l’adhésion nécessitera un front tout aussi large. Aujourd’hui, le PS est à la pointe de ce combat, les syndicats sont favorables à l’adhésion, alors qu’une aile proeuropéenne existe aussi bien au PDC que chez les radicaux. Les milieux économiques, dans leur immense majorité, continuent par contre d’accorder la préférence à la voie bilatérale et à la conclusion de quelques accords supplémentaires répondant à leurs besoins. Si elle veut relancer sérieusement le train de l’adhésion, la gauche politique et syndicale doit contrecarrer cette stratégie. A cet effet, elle a au moins deux jokers dans son jeu :

• Exiger une mise en œuvre rapide et efficace des mesures d’accompagnement visant à combattre le dumping social et la sous enchère salariale, car le respect des promesses faites aux salariés durant la campagne du 25 septembre reste le meilleur moyen d’associer le monde du travail au processus d’intégration européenne. Pour satisfaire cette exigence, la gauche et le mouvement syndical disposent d’un moyen de pression redoutable. D’ici deux à trois ans, le peuple, vraisemblablement, se prononcera une nouvelle fois sur l’extension de la libre circulation des personnes, cette fois à la Roumanie et à la Bulgarie. Or, en cas d’échec, tous les accords bilatéraux – et ils concernent maintenant 25 pays ! - seraient menacés, Bruxelles pouvant à nouveau faire jouer la clause guillotine... Indépendamment de la question de ces deux pays, le peuple aura de toute façon la possibilité de se prononcer une nouvelle fois en 2009 sur la libre circulation.

• Refuser de s’engager sur de nouveaux accords bilatéraux à fort contenu politico-économique. A nos yeux, de nouveaux accords bilatéraux ne sont acceptables que dans deux cas de figure : la modification d’accords existants, comme celui sur la libre circulation des personnes et de nouveaux accords avant tout techniques : sécurité alimentaire, appellations d’origine contrôlée (AOC), etc.

La gauche et les proeuropéens se couperaient en revanche l’herbe sous les pieds s’ils acceptaient d’entrer en matière, hors processus d’adhésion, sur des accords beaucoup plus substantiels : libéralisation des services, énergie, marché de l’électricité, union douanière. Pratiquer de la sorte reviendrait à dérouler le tapis rouge sous les pieds des dirigeants de l’industrie et de la finance qui, une fois servis, seraient encore moins tentés que jusqu’ici par l’adhésion. Ceux qui veulent que la Suisse entrent dans l’Union doivent faire comprendre à la droite politique et économique, une fois pour toutes, qu’elle ne peut plus se contenter de la satisfaction de ses seuls intérêts dans le cadre de nos relations avec l’UE, mais qu’elle doit désormais les faire valoir dans un processus plus large. Celui de l’intégration de la Suisse dans une Europe non seulement économique, mais qui, malgré toutes ses difficultés actuelles, se veut aussi un projet collectif, politique, social et culturel. Le raisonnement peut paraître un brin machiavélique. Certes, mais dans le cadre des rapports de force qui prévalent aujourd’hui en Suisse, la gauche et tous les proeuropéens n’ont pas d’autre choix que celui-là. Indispensable, cette démarche ne doit évidemment pas les empêcher de peaufiner leur argumentation sur les mérites de l’adhésion et surtout d’apporter dès aujourd’hui des réponses concrètes s’agissant des importantes réformes intérieures (droits populaires, fédéralisme, fiscalité, etc.) qu’impliquera l’entrée de la Suisse dans l’Union européenne.

Après avoir bétonné l

Jean-Claude Rennwald

ligne.gif (1583 octets)
Jean-Claude Rennwald - conseiller national
Rue de la Quère 17 - CH - 2830 Courrendlin (JU)
Privé : Tél. + Fax. / ++41 (0) 32 435 50 30
Professionnel : Tél./ ++41 (0) 31 350 23 62 - Fax / ++41 (0) 31 350 22 22
E-mail : rennwald@bluewin.ch - Internet : http://www.rennwald.ch
home_dessin_mc.gif (24457 octets) Npowered_simple.gif (1406 octets)