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Conférence de presse du syndicat FTMH du 24 mars 2003
La récession n’est pas une fatalité !

Par Jean-Claude Rennwald, membre du comité directeur du syndicat FTMH, vice-président de l’Union syndicale suisse (USS), conseiller national

Pour la première fois depuis cinq ans, plus de 140'000 personnes sont aujourd’hui inscrites au chômage dans notre pays et le nombre des demandeurs d’emploi (200'000) est bien plus important encore. Le taux de chômage frôle la barre des 4 %. Ces quelques chiffres traduisent la souffrance de dizaine de milliers d’hommes et de femmes qui sont désespérément à la recherche d’un nouvel emploi. 

Malheureusement, ces chiffres ne forment que la pointe de l’iceberg. En effet, analysée sur le long terme, la situation économique de notre pays est encore bien plus catastrophique, comme en témoignent ces trois constats : 

· Entre 1986 et 2004 (il s’agit bien sûr d’une prévision pour les années 2003 et 2004), la Suisse aura connu une croissance annuelle moyenne de son PIB de 1.4 %. Or, aucun pays de la zone OCDE, qui regroupe les pays les plus riches du monde, n’a fait aussi mal que nous. Durant la même période, la zone OCDE a en effet connu une croissance annuelle moyenne de 2.7 %, et l’Union européenne une croissance de 2.4 %. 

· Entre 1990 et 1999, la Suisse a connu une croissance annuelle moyenne de 0.7 %, alors que cette croissance a été presque trois fois plus importante au sein de l’Union européenne (2.0 %). 

· Ces différences ont évidemment eu des effets divergents sur le pouvoir d’achat. Pendant cette même période 1990-1999, les salaires réels ont en effet progressé, en moyenne annuelle, de 1.4 % au sein de l’Union européenne, mais de 0.12 % seulement en Suisse. 

Aggravation du chômage, stagnation voire baisse du pouvoir d’achat, démantèlement de l’appareil de production. Tel est le portrait économique et social de la Suisse d’aujourd’hui. 

Cette situation a deux causes majeures : 

1)    Durant une période beaucoup trop longue, la Banque nationale suisse (BNS) a mené une politique monétaire qui a renforcé l’attrait du franc suisse. Cette politique a favorisé tous ceux qui souhaitent profiter d’un franc fort et du secret bancaire pour placer des capitaux en Suisse, mais elle s’est fait au détriment de la place industrielle de ce pays, car cette hausse du franc suisse a mangé la productivité. De passage au Salon de l’auto, à Genève, Ferdinand Piëch, patron du groupe Volkswagen, n’a d’ailleurs pas hésité à déclarer « qu’en Suisse, le secteur de la finance éclipse et domine tout. En outre, l’industrie productive perd de sa force novatrice ». Il est vrai que depuis le mois de mai 2002, la BNS combat résolument toute appréciation du franc par rapport à l’euro. Toutefois, malgré ces efforts, le franc reste trop fort. Compte tenu de la morosité de la conjoncture, il serait judicieux de maintenir le cours de la monnaie unique européenne à 1.50 francs. Une politique visant à empêcher le franc de prendre l’ascenseur est essentielle, car les exportations jouent un rôle décisif dans la reprise de la conjoncture. Tant que l’économie européenne ne croît pas ou presque pas, les perspectives de l’économie suisse resteront mauvaises. Il est donc essentiel que la capacité des entreprises suisses en matière de prix par rapport à leurs rivales de la zone euro ne soit pas diminuée par un franc surévalué. Actif notamment dans l’industrie des machines et dans l’industrie horlogère, le syndicat FTMH est d’avis que la Banque nationale doit entreprendre tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher toute appréciation du franc. 

2)    Les collectivités publiques mènent une politique budgétaire beaucoup trop restrictive, politique qui trouve notamment sa traduction dans le frein à l’endettement et dans de vastes programmes d’économies qui menacent en particulier des tâches essentielles de l’Etat, comme la sécurité sociale et les transports publics. Il est urgent de mettre fin à cette obsession de l’équilibre budgétaire à tout prix. Car si l’Etat continue de sabrer dans les dépenses, la diminution des dépenses de l’Etat viendra s’ajouter aux autres facteurs de déprime, et la Suisse se singularisera à nouveau par une récession plus profonde et plus longue que celle de ses voisins. S’il était mis en œuvre, le dernier programme d’économies présenté par le conseiller fédéral Kaspar Villiger se traduirait par la destruction de quelque 40'000 emplois ! Cette obsession est d’autant plus ridicule qu’en Suisse, les déficits de l’ensemble des collectivités publiques se montent à 1 % du PIB, alors que dans la zone euro, on tolère, en vertu des critères de Maastricht, un déficit public de 3 % ! 

La situation économique et sociale de notre pays est dramatique. Pourtant, si l’on en croit le Conseil fédéral et son ministre de l’Economie Joseph Deiss, tout ne va pas si mal, et la reprise viendra bien un jour. Pis encore, le Conseil fédéral estime – je cite sa réponse de la semaine dernière à une interpellation parlementaire – « que la politique conjoncturelle actuelle est bien adaptée à l’évolution de la situation économique » ! 

Cette attitude est irresponsable, et ne fait que relayer celle des milieux économiques et de la droite politique, qui n’ont que deux expressions à la bouche : baisser les impôts et augmenter la flexibilité du marché du travail. Ils se mettent ainsi le doigt dans l’œil. D’une part parce que la fiscalité suisse est déjà l’une des plus basses du monde occidental et que la réforme en discussion devant le Parlement ne profitera qu’aux catégories les plus aisées de la population, ce qui n’aura guère d’incidence sur la consommation. D’autre part parce que les recettes classiques d’inspiration libérale (abaissement du coût du travail, flexibilité accrue, pressions plus fortes sur les chômeurs et les travailleurs pour accepter des emplois précaires et mal rémunérés) n’ont pas permis de faire sortir l’Europe du chômage de masse, alors qu’elles sont utilisées depuis près de vingt ans ! 

Comme le souligne Pierre-Alain Muet, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le plein emploi, au milieu des années soixante, était considéré comme la situation normale d’une économie et le chômage comme une maladie. Or, en raison du travail de sape mené par les idéologues bourgeois, l’existence d’un chômage important est devenue la norme et le plein emploi un concept périmé. « Les inégalités face au travail, ajoute Pierre-Alain Muet, seraient une donnée fondamentale de la phase actuelle de mondialisation des économies, de sorte que nous devrions choisir entre une société de plein emploi et de travailleurs pauvres (la société américaine) et une société moins inégalitaire en matière de salaires mais où régnerait l’exclusion du marché du travail (la société européenne). » 

Pour les syndicats et plus spécialement pour le syndicat FTMH, cette alternative est inacceptable, pour trois raisons au moins : 

1)    La mondialisation ne signifie ni la fin du politique, ni l’impuissance des Etats et la récession n’est pas une fatalité. A l’avenir, les politiques nationales continueront d’avoir une influence déterminante sur le niveau de l’emploi et le régime du travail, même si une partie des politiques de régulation économique doit désormais être menée au niveau européen, voire mondial. 

2)    A terme, une politique de plein emploi fondée sur un important volant de travailleurs pauvres ne peut être que contre-productive, car ceux-ci n’ont pas de revenus suffisants pour « doper » la consommation et la machine économique. 

3)    L’autre modèle, dans lequel coexiste une majorité de salariés disposant d’un revenu plus ou moins décent et une forte minorité de chômeurs et d’exclus, n’est guère plus productif, car il génère des coûts sociaux colossaux qui ne peuvent qu’affaiblir la santé économique des pays qui pratiquent de la sorte. 

Dans ces conditions, la bataille pour le plein emploi et la lutte contre l’exclusion forment un seul et même combat. Pour des motifs sociaux évidents, mais aussi pour des raisons économiques qui le sont tout autant. En période de crise, ce combat ne peut être gagné que si l’Etat s’en mêle aussi, par le biais d’un plan de relance et d’une politique monétaire plus favorable à l’emploi et aux exportations, par des mesures d’impulsions, par l’anticipation de certains investissements et par des mesures préventives destinées à combattre le chômage, notamment en matière de formation continue.

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Jean-Claude Rennwald - conseiller national
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