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Petit essai sur la mondialisation, ce qu’elle est, ce qu’elle n’est pas, comment la réguler

Par Jean-Claude Rennwald

 « Si une « frappe-éclair » apparaît nécessaire, c’est aussi vers les Bahamas, Jersey ou le Liechtenstein qu’il faut la diriger » (Philippe Chalmin)

Préambule

Selon Franco Cavalli, président du groupe socialiste des Chambres fédérales, le mouvement anti-mondialisation est le plus important mouvement social de l’Histoire depuis la chute du Mur. Dans une large mesure, je partage cet avis, mais cela ne m’empêche pas de constater qu’il y a, au sein de la gauche politique et syndicale suisse, un vide conceptuel quasi-total sur cette question de la mondialisation.

Ce vide tient en partie au fait qu’il y a, y compris à gauche, une attitude ambivalente face à la mondialisation, ce qui est d’ailleurs logique et compréhensible. Dans un récent éditorial, « Le Monde » soulignait cette ambivalence en ces termes : « Les critiques et l’accélération, ces vingt dernières années, de la libéralisation des flux financiers et commerciaux ont touché plusieurs points sensibles : accroissement des inégalités, affaiblissement de l’Etat face aux multinationales, sentiment de dépossession d’une partie de la classe moyenne, etc. (…) Mais cet ensemble de critiques ne peut pas faire oublier qu’on trouve encore moins d’économistes pour nier que la libéralisation des échanges financiers a été, ces mêmes vingt dernières années, un formidable accélérateur de création de richesses. Et le Sud en a profité, sans doute inégalement, mais sans conteste. L’intégration de nombre d’économies à la globalité – de la Chine au Mexique, de l’Inde à l’Ouganda – a aussi été un puissant levier pour sortir de la misère. » (1).

Rappelons tout d’abord ce qui est peut-être une évidence historique. Un mouvement social ne peut avoir du succès et porter un projet cohérent (ce qui n’est pas le cas du mouvement anti-mondialisation) que s’il respecte trois conditions :

· Se donner des instruments pour comprendre le monde en vue de le changer.

· Se fixer des objectifs précis.

· Disposer de médiateurs – ou de relais – dans le système politique institutionnel.

Les lignes qui suivent se veulent une contribution (modeste) à cette discussion et à la réalisation de ces conditions.

A) La mondialisation : mythes et réalités (2)

La mondialisation de l’économie, c’est-à-dire l’intégration internationale des marchés, des biens, des services et des capitaux depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, peut-être considérée à de nombreux égards comme la reprise d’une tendance observée il y a un siècle.

Selon certains critères, l’intégration économique internationale a progressé tout autant pendant les 50 années précédant la première guerre mondiale qu’au cours des dernières décennies et elle a atteint des niveaux comparables. A cette époque comme aujourd’hui, la multiplication des marchés et les mutations technologiques rapides (bateaux à vapeur, moteur à explosion, téléphone, ordinateur, etc.) ont été les moteurs essentiels de l’intégration. Le mouvement s’est interrompu en 1914 puis il s’est inversé jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale.

Entre le milieu du XIXe siècle et la Première guerre mondiale, la croissance du commerce mondiale a été relativement forte, puisque l’expansion des exportations (3.5 % par an) a sensiblement dépassé celle de la production réelle (2.7 % par an). La part des exportations dans la production mondiale a atteint en 1913 un point culminant qui n’a plus été dépassé avant les années 80.

A partir de ces quelques rappels, il convient de se demander si la mondialisation est aussi complète ou totale qu’on le dit. En d’autres termes, il convient de décrypter les mythes (certains sont de droite, mais il y en a aussi de gauche…) et les réalités de ce phénomène :

· Le commerce mondial ne concerne, en gros, qu’un sixième de la production mondiale. Donc, cinq sixièmes des activités économiques ne sont pas touchés par la mondialisation. Certes, la situation varie de pays à pays, Certains sont plus intégrés que d’autres. C’est vrai en particulier pour les pays développés puisque ceux-ci réalisent ensemble l’essentiel des échanges économiques internationaux. Mais c’est dire aussi, a contrario, que la plupart des autres pays sont encore peu touchés par la mondialisation.

· Les échanges internationaux se réalisent, pour une large part, à l’intérieur de zones régionales de libre-échange (Amérique, Asie du Sud-Est, etc.). A l’exception de l’Union européenne (UE), ces zones de libre-échange ne connaissent aucun mécanisme de régulation sociale.

· Le nombre des travailleurs intégrés dans le marché mondial a certes fortement augmenté, mais il demeure faible en chiffre absolus. Dans les pays industrialisés, près de 70 % des travailleurs en moyenne sont occupés dans les services, c’est-à-dire dans des activités qui, pour la plupart, échappent au système d’échanges internationaux. Y échappent aussi l’agriculture traditionnelle (de subsistance) et les activités du secteur informel urbain, où travaille le gros de la main-d’œuvre à bas revenus ; la fraction de la main-d’œuvre employée dans le secteur moderne dans des activités intégrées dans le système d’échange international, n’y dépasse pas 12 %, si l’on exclut la Chine et l’Inde,  où elle atteint 15 et 16 % respectivement.

· La mondialisation de l’économie n’est pas la cause du chômage dans les pays développés. Dans les années soixante, par exemple, l’internationalisation de l’économie n’a pas empêché l’économie suisse de créer quelque 400'000 emplois. Voici dix ou vingt ans, personne ou presque n’aurait eu l’idée de dire que la mondialisation était une mauvaise chose. Et depuis des décennies, personne ne se plaint du fait que l’horlogerie suisse, qui réalise 95 % de ses ventes à l’étranger, a un rayonnement mondial. C’est la récession des années nonante qui a modifié le point de vue de certains acteurs, et certainement à tort. Durant cette période, l’industrie suisse d’exportation a tiré son épingle du jeu. Si tel n’avait pas été le cas, le PIB de la Suisse n’aurait pas seulement stagné, il aurait fortement reculé. La récession des années nonante a donc été essentiellement endogène. Quant à la désindustrialisation, elle ne résulte pas de la mondialisation. Il s’agit en fait d’un aspect normal du progrès technique et du développement dans les économies avancées, phénomènes sur lesquels le commerce avec les pays en développement n’a eu que très peu d’influence.

· Pour l’essentiel, la mondialisation n’est pas à l’origine des délocalisations d’entreprises et des pertes d’emplois qui en résultent. Fondamentalement, les entreprises investissent à l’étranger afin d’être présentes sur les marchés sur lesquels elles entendent développer leurs affaires. Une enquête de l’Université de Saint-Gall (3) montre que parmi les raisons pour lesquelles les entreprises « délocalisent », le contrôle du marché et du service à la clientèle ainsi que l’extension des débouchés et la conquête de nouveaux débouchés arrivent en tête. Les coûts du travail en Suisse et la flexibilité insuffisante du marché du travail en Suisse n’occupent que les troisième et cinquième rangs du classement de ces raisons. Dans la même perspective, Pierre-Alain Muet, de l’Observatoire français des Conjonctures économiques (OFCE) note, à propos des éventuels effets des délocalisations sur l’emploi : « Les délocalisations existent, mais économiquement, elles ont peu de poids. Les échanges de l’Europe avec les nouveaux pays industrialisés, comme l’Asie du Sud-Est, c’est un peu plus de 1 % du PIB européen. Certes, les délocalisations font perdre à la France entre 100'000 et 200'000 emplois. Soit entre 0.5 et 0.6 point de chômage. Mais ce ne sont pas elles qui expliquent les 18 millions de chômeurs que compte aujourd’hui l’Europe. » (4). Autrement dit, le moteur de cette évolution n’est pas la mondialisation, mais avant tout les changements techniques continus sur les produits, les marchés et les modes d’organisation des entreprises. Il est intéressant de souligner que ce point de vue est aussi défendu dans les hautes sphères des grandes organisations financières internationales. Conseiller économique et directeur du département de recherche au FMI, Michel Massa est d’avis que « la mondialisation n’est que le bouc émissaire de nos difficultés ». Avant d’ajouter : « La mondialisation a certainement un effet sur les marchés des biens et du travail, mais elle n’explique qu’en partie les performances globales – bonnes ou mauvaises – des économies avancées. Le déclin de l’emploi manufacturier dans les pays industrialisés s’explique davantage par le progrès technique que par le commerce avec les pays en développement. » (5).

· La mondialisation n’est pas à l’origine de la stagnation, voire de la baisse des salaires dans les pays développés. En Suisse, depuis 40 ans, la croissance des salaires réels ne cesse de ralentir :

1960 – 1969 :         3.4 % par année

1970 - 1979 :          2.8 % par année

1980 – 1989 :         0.9 % par année

1990 – 1999 :         0.12% par année

D’aucuns ont rapidement attribué ce ralentissement considérable à la mondialisation. En fait, le volume des échanges de produits entre les pays riches et les pays en développement reste assez faible. La majorité des échanges ont lieu entre pays développés, lesquels connaissent des conditions sociales et salariales relativement proches les unes des autres. En 1995, par exemple, 91 % des importations de la Suisse venaient des pays de la zone OCDE, alors que 79 % des exportations leur étaient destinées. En fait, ce sont surtout les innovations technologiques et la compétition entre pays développés qui sont à l’origine de ce tassement des salaires et de l’évolution de l’emploi.

· A contrario, un haut degré de protection sociale ne constitue pas une entrave aux échanges économiques. Ainsi « la France, parfois caricaturée hors de l’Hexagone pour ses grèves à répétition dans les services publics, ses 35 heures et son inaptitude, réelle ou présumée, aux langues étrangères, attire toujours, et même de plus en plus, les investisseurs internationaux » (6).

· La mondialisation ne menace pas la compétitivité de l’économie suisse. Les néo-libéraux prétendent le contraire, en affirmant que la Suisse est un pays trop réglementé et que les coûts du travail sont trop élevés dans notre pays.  Or, ces dix à quinze dernières années, nous avons connu une vague de déréglementation sans précédent et qui, pour l’essentiel, a repris les thèses néo-libérales : loi sur le marché intérieur ; simplification et raccourcissement des délais pour les projets de construction ; modification de la loi sur le travail ; éclatement des PTT et privatisation de Swisscom, allégement de l’imposition des entreprises, etc. La comparaison des coûts du travail (salaires directs et charges indirectes) place par ailleurs la Suisse dans le peloton de tête, généralement en deuxième position derrière l’Allemagne. Mais la comparaison de ces coûts moyens ne veut rien dire. Il faut les mettre en relation avec la valeur de la production obtenue. Or, en Suisse, la productivité du travail est très élevée.

B) Mondialisation : les vrais questions

La mondialisation soulève malgré tout de vraies questions, en particulier celles-ci :

· La manifestation la plus évidente de la mondialisation, c’est le poids sans cessent croissant des sociétés multinationales, qui contrôlent un tiers du capital privé investi. Leur nombre est passé de 7'000 à 39'000 entre 1975 et 1995, et elles gèrent aujourd’hui les trois quarts du commerce mondial (7).

· Beaucoup d’emplois supprimés ces dernières années en Suisse et dans l’ensemble du monde occidental ne l’ont pas été parce que les entreprises concernées étaient dans les chiffres rouges. Ils l’ont été parce que de très nombreuses entreprises, notamment des multinationales, bien que profitables, ne dégagent pas assez de profit, au goût de leurs dirigeants et de leurs actionnaires. Autrement dit, la rentabilité de l’ensemble des entreprises du secteur secondaire comme tertiaire, en Suisse comme à l’échelle internationale, doit de plus en plus tendre à s’aligner sur les niveaux de profitabilité des firmes des secteurs de technologies de pointe ou des instituts financiers, particulièrement rentables. Pour dégager de telles marges de profit, deux leviers, parmi d’autres, sont utilisés par les employeurs : 1° la compression des effectifs et le blocage des salaires, 2° l’accroissement de l’intensité du travail des diverses catégories de salariés qui cherchent un emploi. 

· Un changement important est intervenu en ce qui concerne la richesse produite. La « valeur actionnariale » est devenue le nouveau dogme. Cela ne signifie rien d’autre que la consolidation d’un partage de plus en plus inéquitable entre, d’un côté, les revenus des salariés et, de l’autre côté, la fraction de la valeur ajoutée que s’approprient des détenteurs de capitaux. Ainsi en Suisse, depuis 1993, les profits des entreprises cotées en Bourse ont crû de 17 % en moyenne annuelle et les salaires moyens de 1.7 %. L’envol de la masse des dividendes distribués aux actionnaires, comme la hausse des cours des actions en Bourse, est le simple reflet de cette redistribution très inégalitaire de la richesse.

· La mondialisation n’est pas seulement économique, elle est aussi culturelle, en ce sens qu’elle tend à imposer à l’ensemble des peuples et des citoyens de la planète les mêmes façons de vivre, de pense, de manger et de se divertir, à travers la concentration de l’industrie cinématographique et télévisuelle (CNN par exemple), la mal bouffe type McDo ou encore les parcs et les productions Walt Disney.

C) Mondialisation : quelques pistes pour l’action

Certaines des propositions mentionnées ci-dessous doivent être mises en œuvre par le PS, d’autres par les syndicats, d’autres encore par les mouvements associatifs (ATTAC, œuvres d’entraide, mouvements citoyens, etc.), d’autres enfin par toutes ces forces.

· Les sociétés transnationales – ou multinationales – doivent être considérées comme un tout par ceux qui y travaillent et qui négocient avec elles. La création des comités d’entreprise européens constitue un pas important dans cette direction.

· Cette stratégie doit être développée sur le plan mondial. Des négociations collectives doivent être menées à l’échelle internationale. Dans un premier temps, il convient de parvenir à des conventions collectives ou du moins à des accords, entre groupes économiques mondiaux et syndicats internationaux. Un tel accord a été conclu entre 1998 entre l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation (UITA) et le groupe Danone. Il y a quelques autres exemples, mais ils demeurent rares.

· Dans un cadre helvétique plus modeste, il est urgent de renforcer certaines normes sociales minimales, notamment en matière de protection des travailleurs, notamment contre les licenciements. Car il est aujourd’hui démontré, pour ne prendre que cet exemple, que c’est parce qu’il est plus facile de licencier en Suisse que le groupe ADtranz, avait décidé, voici deux ans, de supprimer un certain nombre d’emplois dans ses succursales helvétiques et non  pas ailleurs.

· Si le mouvement syndical veut devenir efficace mondialement, les syndicats nationaux doivent accorder des ressources accrues aux activités syndicales internationales. A terme, il convient de faire un pas de plus, en ce sens que les activités internationales des syndicats nationaux, y compris les pouvoirs qui en découlent devraient être transférées à un organe syndical supranational, avec pouvoir de décision et d’action, notamment en ce qui concerne le lancement et l’organisation de grèves à l’échelle internationale. C’est déjà ce que propose la CFDT française dans le cadre européen.

· Il faut renforcer les efforts en vue d’inciter les 175 Etats membres de l’Organisation internationale du travail (OIT) à respecter les principes inhérents aux normes fondamentales du travail définies par cette organisation et à promouvoir leur application universelle. Ces normes sont à l’heure actuelle contenues dans les huit conventions de l’OIT reconnues comme fondamentales : liberté syndicale et négociation collective (Nos 87 et 98) ; abolition du travail forcé (Nos 29 et 105) ; non-discrimination (Nos 100 et 111) ; élimination du travail des enfants (Nos 138 et 182) La Suisse a ratifié ces huit conventions. La ratification des ces huit conventions de base de l’OIT peut constituer le fondement d’un code international minimal en matière sociale. Parmi les organisations internationales, l’OIT n’est malheureusement ni la plus puissante, ni la plus écoutée des gouvernements. Mais comme le souligne l’économiste Michel Husson : « C’est pourtant autour des normes sociales qu’elle formalise en conventions, et des concepts qu’elle avance – comme le travail décent. incorporant entre autres l’égalité des genres - que peut se mettre en place une régulation planétaire, une « autre mondialisation » susceptible de contrecarrer la dictature des marchés financiers et des transnationales. » (8), Ce constat est correct, mais il serait cependant utile de créer des ponts et des liens plus étroits entre l’OIT et l’OMC.

· En outre, les investisseurs internationaux doivent se soumettre aux lignes directrices de l’OCDE pour les multinationales et à l’Agenda 21 en ce qui concerne la protection de l’environnement.

· A terme, ces différentes propositions doivent déboucher sur la mise en place d’une structure mondiale de régulation et de contrôle des activités des multinationales.

· Par analogie à l’appellation d’origine de certaines marchandises, il faut introduire un label de qualité sociale et écologique, visant à mettre en évidence les entreprises, les services et les produits qui respectent un certain nombre de normes minimales sur le plan social (respect des conventions collectives par exemple) et environnemental.

· Il convient d’introduire un système de taxation (ou d’imposition) sur les transferts de capitaux qui ne sont pas justifiés par des échanges de biens et de services. Les recettes provenant de cette taxe – Taxe Tobin – pourraient atteindre, au niveau mondial, un montant de 150 à 720 milliards de dollars, selon le taux (0.1 % au minimum) qui serait retenu. Le produit de cette taxe pourrait être affecté à la réalisation des objectifs suivants : lutter contre la spéculation ; favoriser les investissements créateurs d’emplois ; alimenter un fonds d’aide au développement ; contribuer à la reconversion écologique de l’économie. On ajoutera à ce propos que les grands argentiers de l’UE ont récemment manifesté un certain scepticisme à propos de la Taxe Tobin. Ils ont toutefois chargé la Commission européenne d’engager une réflexion sur la mondialisation, laquelle « devrait inclure une réflexion sur la taxe Tobin ainsi que des propositions alternatives ayant le même but » (9). A ce propos, Laurent Fabius a lancé voici quelques temps l’idée d’une taxe sur les exportations d’armes, Dans un rapport sur le développement préparé par des experts, l’ONU envisage pour sa part de créer une Organisation mondiale de la fiscalité qui devrait aboutir à un impôt mondial. Des étapes sont prévues, qui vont de l’introduction de la Taxe Tobin ou d’une taxe mondiale sur le CO2 à l’obligation d’échanges d’informations fiscales et à l’introduction d’une taxation mondiale des multinationales (10).

· Pour relayer et populariser cette revendication d’une Taxe Tobin et celles qui vont dans le même sens, le PS doit créer, au sein du Parlement fédéral, un groupe ATTAC inter-partis. Un tel groupe existe déjà à l’Assemblée nationale française.

· Il est nécessaire d’élaborer un code éthique pour la politique de placement des capitaux de caisses de pension, car ces institutions jouent un rôle toujours plus grand dans les transactions financières internationales. Ce code pourrait être fondé sur les principes suivants : Tout en garantissant une rentabilité suffisante, les placements devront être effectués de manière à favoriser une politique d’innovation, de développement durable, et créatrice d’emplois.

· Une plus grande justice sociale et une meilleure régulation économique à l’échelle internationale supposent aussi, une lutte plus active contre les capitaux en fuite, contre la fraude fiscale et contre les paradis fiscaux. C’est ce qui a fait écrire à Philippe Chalmin, qui enseigne les finances internationales à l’université Paris-Dauphine : « Si une « frappe-éclair » apparaît nécessaire, c’est aussi vers les Bahamas, Jersey ou le Liechtenstein qu’il faut la diriger. » (11),

· Dans cette perspective, la Suisse doit participer davantage aux mesures prises sur le plan international en matière de lutte contre la fraude fiscale. Cela suppose notamment que la Suisse adhère au système de fiscalité de l’épargne que l’UE veut mettre en place.

· Il faut décréter un moratoire sur tout nouveau cycle de négociations à l’OMC, du moins aussi longtemps que le bilan de cinq ans de libéralisation, en particulier pour les pays en développement, n’aura pas été dressé.

· Il faut par ailleurs refuser d’intégrer les services publics fondamentaux (enseignement, énergie, transports) dans tout nouveau cycle de négociations à l’OMC, car ces services appartiennent à la nation et doivent donc être gérés, au niveau des grands principes, par la représentation nationale.

· L’OMC doit être démocratisée, notamment dans le sens d’une plus grande transparence. Dans cette perspective, « Domaine public » soulignait récemment : « La démocratie directe a permis un débat en Suisse pour l’adhésion au FMI, à la Banque mondiale et pour la ratification des bilatérales, mais l’opacité reste trop grande autour de l’OMC. C’est la tâche des parlementaires et du Conseil fédéral d’y remédier. » (12).

· En raison du poids toujours plus important des médias dans nos sociétés, le PSS, l’USS et les autres milieux concernés proposent à l’ensemble des forces progressistes européennes, voire mondiales de créer une organisation indépendante, calquée sur le modèle de Greenpeace ou d’Amnesty International, ayant pour but de dénoncer à l’opinion publique internationale les conditions de travail humainement et socialement inacceptables.

· Les réglementations internationales relatives au commerce doivent garantir le respect de la diversité et des identités culturelles (exception culturelle).

· La mise en œuvre de ces propositions sera plus aisée si elles sont lancées par un groupe de pays. Dans cette perspective, l’adhésion de la Suisse à l’Union européenne reste plus actuelle que jamais.

· Le PSS et l’USS doivent davantage être présents dans le mouvement anti-mondialisation et dans ses différentes organisations (ATTAC par exemple), afin de faire valoir leur point de vue et de participer à l’élaboration des actions, et surtout d’être présents dans un mouvement qui prend des allures de nouvelle Internationale.

· Compte tenu de ce qui précède, la mondialisation ne signifie pas la fin du politique et l’impuissance des Etats. A l’avenir et malgré les progrès de la mondialisation, les politiques nationales continueront d’avoir une influence déterminante sur le niveau de l’emploi et le régime du travail. Les Etats doivent davantage tenir compte des impératifs de la compétitivité internationale, mais cela ne signifie nullement qu’ils n’ont plus de liberté d’action et que la seule façon de répondre efficacement à la mondialisation soit d’abaisser les salaires et les conditions de travail. Dans un article intitulé « La redécouverte de l’Etat », Jean-Paul Fitoussi, de l’Observatoire français des conjonctures économiques, note que c’est l’absence de démocratie plus que la parcimonie de l’aide financière qui maintient la population de nombre de pays en développement dans la pauvreté et la misère morale. Il ajoute, de façon tout aussi pertinente : « La récession de demain n’est inscrite dans les données d’aujourd’hui que si la mécanique des comportements individuels ne reconnaît pas l’action politique. Mais il existe une possibilité que le XXIe siècle s’ouvre aussi sur une réhabilitation du politique. » (13).

· Cela signifie aussi que les socialistes et la gauche en général doivent veiller à ce que les Etats n’entrent pas dans une course systématique et effrénée à la sous-enchère fiscale, car comme l’a bien montré Thomas Piketty (14), le discount fiscal, qui conduit au discount de l’action publique, engendre le discount social.

· Malgré les récents attentats qui ont eu lieu aux Etats-Unis, la gauche politique et syndicale doit tout mettre en œuvre pour empêcher la mise en place d’une sorte d’ « union sacrée » qui serait catastrophique non seulement pour le mouvement anti-mondialisation, mais aussi pour le mouvement syndical et l’ensemble des mouvements citoyens.

Jean-Claude Rennwald, septembre 2001.

Notes

1)     Le Monde, 28 août 2001.
2)     Cette partie s’inspire notamment des recherches effectuées par Jean-Pierre Ghelfi, conseiller économique du syndicat FTMH.
3)     NZZ, 6 août 1997.
4)     Le Nouvel Observateur, 8 mai 1997.
5)     Journal de Genève, 11 juin 1997.
6)     Le Monde, 4 avril 2001.
7)     BIT, Le travail dans le monde 1997-98, Genève, pp. 46-47.
8)     Le Monde diplomatique, septembre 2001.
9)     Le Temps, 24 septembre 2001.
10)  L’Impartial, 7 septembre 2001.
11) Le Monde, 21 septembre 2001.
12) Domaine public, 24 août 2001.
13)  Le Monde, 22 septembre 2001.
14)Thomas Piketty, Les Hauts Revenus en France au XXe siècle. Inégalités et redistribution. Paris, Grasset.

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