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Fête nationale et fête franco-suisse de Goumois, 31 juillet 2005
La frontière rassemble, la Suisse doit entrer dans l’Europe

Allocution de Jean-Claude Rennwald, député au Conseil national (PS/JU)

Mesdames et Messieurs les membres des autorités,
Citoyennes et citoyens de part et d’autre de la frontière,
Chers amis,
 

Je suis heureux d’être parmi vous ce soir à Goumois, endroit fascinant où deux villages du même nom appartiennent à deux pays différents, simplement séparés par la frontière naturelle du Doubs.

Nous sommes à la veille de la fête nationale suisse. Et pourtant, ce soir, vous êtes venus de part et d’autre de la frontière pour fêter, pour passer un agréable moment en musique et apprécier les feux d’artifices.

Votre présence binationale me réjouit particulièrement, moi l’Alsacien d’origine dont les arrières grands-parents ont fui l’Alsace au moment de la guerre de 1870, pour se réfugier à Belfort avant de s’établir dans le Jura suisse. Votre présence dans ce lieu emblématique montre que la frontière ne fait pas que diviser, mais que la frontière rassemble les peuples autour de valeurs communes telles que l’amitié et la convivialité.

Vous êtes en train de construire peu à peu quelque chose de nouveau, vous êtes en train de construire une véritable identité européenne. Une identité qui ne remplace pas les traditions et valeurs propres à chacun de vos pays. Vous construisez un deuxième étage à votre identité, un étage qui ne fait qu’embellir le premier.

Cela me réjouit tout particulièrement à l’heure où l’Europe est entrée dans une grave crise politique et où le projet européen même est remis en question. Suite au rejet du Traité constitutionnel européen par les citoyennes et citoyens français et hollandais, l’Union européenne a décidé de suspendre le processus de ratification du traité constitutionnel. Et le vote positif du Luxembourg, même s’il est encourageant à mes yeux, ne devrait pas changer cette donne.

Déjà, des voix se font entendre pour que l’Europe ne soit tout simplement qu’une grande zone de libre-échange économique qui laisse de côté toute ambition politique et sociale, alors que les citoyens européens demandent aujourd’hui justement davantage d’Europe politique et sociale.

Parmi les partisans de cette Europe politique et sociale minimale, on trouve au premier plan l’actuel président de l’Union européenne, Tony Blair, le seul homme politique qui sort renforcé des non français et hollandais au Traité constitutionnel. Il cherche à imposer ses vues à l’Europe, pour modeler une Europe à sa façon, une Europe qui s’alignerait davantage sur la position ultralibérale et impérialiste des Etats-Unis.

Aujourd’hui, nous devons nous battre pour que l’Europe n’abandonne pas son projet de paix pour notre continent et son projet politique et social.

Mais comment relancer l’Europe dans cette période de crise ? Comment redonner l’envie de l’Europe aux citoyens qui, en France et en Hollande notamment, ont mis dans leur non le mécontentement et l’incompréhension vis-à-vis de l’Union européenne actuelle et surtout d’un certain nombre de ses dirigeants ?

S’il y a une leçon à tirer de l’échec du Traité constitutionnel, c’est que l’Europe doit absolument se rapprocher des préoccupations quotidiennes des citoyens. Il est urgent aujourd’hui de redonner la parole au citoyen, de construire l’Europe par la base. Il est important de construire une Europe transfrontalière concrète pour que les citoyens eux-mêmes se l’approprient.

Dans le préambule de l’un des premiers textes fondateurs de l’Europe, la CECA, qui a mis en commun la production du charbon et de l’acier en Europe, on peut lire, je cite : « L’Europe ne se construira que par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait et par l’établissement de bases communes de développement économique ».

C’est la méthode de la construction européenne par la base, chère aux pères fondateurs français de l’Europe Jean Monnet et Robert Schuman qui est ici exposée. C’est cette méthode qui doit être appliquée aujourd’hui pour gagner la confiance des citoyens, pour que le grand projet européen devienne aussi celui des peuples, qu’il devienne le vôtre Mesdames et Messieurs.

A Goumois, vous êtes des spécialistes en matière de coopération transfrontalière. A Goumois, cela fait de nombreuses années que vous effectuez des réalisations concrètes qui créent une solidarité de fait entre vos deux villages et pour toute notre région. Ces réalisations sont la base d’une Europe concrète, transfrontalière, qui agit au niveau local. Vous êtes un exemple pour le développement du projet européen.

A Goumois, vous avez utilisé la frontière comme atout de votre développement, cette frontière qui est souvent décriée comme la source de nombreux problèmes. La rivière est votre frontière naturelle et vous en avez fait votre force pour le développement économique et touristique de la région.

Grâce aux fonds Interreg de l’Union européenne en faveur de la politique régionale, vous avez pu promouvoir notamment la pratique du canoë-kayak avec la construction du stade nautique et l’organisation de la Coupe du monde de slalom en 2001.

De manière plus générale, la coopération entre la Suisse et la France s’articule autour de projets importants pour toute notre région. Cette coopération s’est déjà développée dans de nombreux secteurs. En matière de tourisme, la région de l’Arc jurassien met ses forces en commun pour valoriser son patrimoine industriel, comme avec le projet de route des microtechniques. Dans le domaine de la formation, les jeunes Suisses ont la possibilité d’accéder à l’Université technologique de Sévenans ou à l’Université de Besançon. En matière de transports, l’arrivée du TGV Rhin-Rhône sera un atout important pour nos régions et pour leur développement.

La coopération à travers les frontières est devenue vitale, car aujourd’hui, les défis transcendent les frontières étatiques. Nous devons poursuivre la coopération entre nos deux pays car nous avons encore de grands projets à réaliser ensemble, de grands objectifs en matière de tourisme, de transports et de développement économique, social et culturel.

Si la coopération transfrontalière avec les pays qui l’entourent permet à la Suisse de ne pas rester totalement en dehors des défis du territoire européen, la Suisse ne saurait cependant en rester là. La Suisse doit adhérer à l’Union européenne parce qu’elle est au cœur de l’Europe, mais aussi parce que les autres pays européens ne supporteront pas éternellement que la Suisse se préoccupe de l’Europe lorsque cela sert ses intérêts et qu’elle s’en détourne lorsqu’elle estime qu’elle a quelque chose à perdre dans le processus d’intégration.

La stratégie des accords bilatéraux menés par le Conseil fédéral et la majorité bourgeoise du Parlement fédéral s’intègre parfaitement dans ce schéma. Un schéma qui soutient la politique d’intégration européenne lorsque celle-ci est conforme aux intérêts des banquiers, des grands industriels et des multinationales, mais qui s’en fiche comme de colin-tampon lorsque la même politique d’intégration est synonyme de progrès politiques et sociaux. La preuve, c’est que malgré plusieurs accords bilatéraux portant sur des questions financières, la Suisse a su préserver son secret bancaire quasi absolu. Ce qui montre bien que Voltaire avait raison lorsqu’il écrivait, je cite : « Si vous voyez un banquier se jeter par la fenêtre, sautez derrière lui : vous pouvez être sûr qu’il y a quelque profit à prendre. »

A l’inverse, la Suisse connaît aujourd’hui l’une des durées du travail les plus longues du continent européen, raison pour laquelle la classe dirigeante helvétique ne voit aucune raison de s’intégrer pleinement à une Union européenne synonyme de progrès sociaux non négligeables.

Ma vision critique des accords bilatéraux conclus entre la Suisse et l’Union européenne ne m’empêche pas de dire qu’à l’occasion de la votation fédérale capitale du 25 septembre prochain, le peuple suisse aura tout intérêt à accepter l’extension de la libre circulation des personnes aux dix nouveaux pays membres de l’Union européenne.

Même si elle ne porte pas sur le même objet que le Traité constitutionnel européen, la campagne du 25 septembre ressemble en partie à celle qui a conduit au « non » français du 29 mai dernier. Et cela parce qu’à en croire certains, une nouvelle menace pèserait sur l’Europe. La menace du plombier polonais, symbole de ces travailleurs des anciens pays de l’Est venant offrir leurs services à bas prix en Europe occidentale.

Disons-le d’emblée, cette analyse n’est pas la mienne ! D’abord parce que l’histoire du plombier polonais a des relents xénophobes, voire racistes. Elle nous rappelle de mauvais clichés en France, depuis le « Juif, riche et avare » jusqu’au « maçon portugais ». En Suisse, elle nous rappelle les années 70, lorsque les travailleurs venus d’Italie et d’Espagne étaient accusés, par James Schwarzenbach et les nationalistes de tout poil, d’être la cause de toutes nos difficultés, alors que ces Italiens, ces Espagnols et bien d'autres encore ont contribué de manière décisive à la richesse de notre pays.

Ce n’est pas en opposant les travailleurs de différentes nationalités que l’on fera progresser les conquêtes sociales, mais en les rassemblant sur des objectifs communs. De ce point de vue, le mouvement syndical suisse a obtenu, pour faire face au dumping salarial et social que pourrait engendrer la libre circulation des personnes, une série de mesures qui accroîtront considérablement la protection des salariés, que ceux-ci soient suisses, immigrés ou frontaliers. Je pense notamment à une procédure allégée pour l’extension des conventions collectives de travail, à la possibilité de fixer des salaires minimaux via un contrat-type de travail, au renforcement du corps des inspecteurs, ou encore à une réglementation plus rigoureuse du travail détaché et du travail temporaire.

Depuis des décennies, jamais les forces progressistes de notre pays n’avaient obtenu un tel saut qualitatif du droit du travail. Pour les travailleurs, un « non » le 25 septembre équivaudrait par conséquent à un véritable autogoal, et ceci d’autant plus que si la libre circulation était rejetée, l’Union européenne, en vertu de la clause guillotine, serait parfaitement habilitée à dénoncer l’ensemble des accords bilatéraux I conclus entre la Suisse et l’Union européenne.

La réalisation de cette hypothèse porterait un coup dur à l’économie suisse, et plus particulièrement à ses industries d’exportation, comme l’horlogerie et les machines, si importantes dans l’Arc jurassien. Il en résulterait inévitablement une aggravation du chômage et une accélération du mouvement des délocalisations.

Une telle issue porterait non seulement préjudice à l’économie suisse et à ses emplois. Elle affecterait aussi gravement l’image de la Suisse en Europe et détériorerait de manière significative les relations entre l’Union européenne et notre pays.

Pour notre part, nous préférons faire le choix d’une libre circulation des personnes socialement maîtrisée et d’un renforcement de la politique de coopération entre la Suisse et l’Union par la définition de règles sociales et économiques claires. Après quoi il faudra immédiatement franchir le pas suivant, le pas décisif, c’est-à-dire le dégel de la demande d’adhésion de la Suisse à l’Union européenne, demande qui dort toujours dans un tiroir depuis 1992.

Car dans un monde dominée par la mondialisation et les rapports de forces entre les grands ensembles économiques, la Suisse n’a pas d’autre choix que de s’organiser collectivement avec le reste de l’Europe, pour défendre et développer un modèle politique, social et économique qui, à défaut d’être parfait, reste le plus démocratique et le plus humain de toute la planète.

Vive l’Arc jurassien et l’amitié franco-suisse !
Vive l’Europe des peuples et des citoyens !

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Jean-Claude Rennwald - conseiller national
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Privé : Tél. + Fax. / ++41 (0) 32 435 50 30
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E-mail : rennwald@bluewin.ch - Internet : http://www.rennwald.ch
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